Libération, 22/02/02 p.46 (France) |
Dans la peau de l'homme La boutique dégorge ses visiteurs sur la chaussée, en plein Marais parisien, au cur de la hype. Une Japonaise s'extasie sur la rangée de sacs-peaux, alpague Olivier Goulet pour lui dire son admiration, est à deux doigts de sortir l'appareil. Au vernissage, les boissons sont d'un rose transparent, les murs recouverts de dizaines de cabas de latex figurant des caricatures de sacs Carrefour, de gilets imitant grossièrement la peau humaine et de sacoches à ordinateur portable copiant l'épiderme calleux de l'homme. Choquant? Au premier coup d'il peut-être. Derrière l'aspect coup de poing du latex travaillé comrne une sculpture, qui déclenche répulsion et dégoût instinctifs, Olivier Goulet file la métaphore du " posthumain postnumérique ". L'artiste de 32 ans, qui a tombé la chemise et ne porte plus qu'un gilet Skinbag, soutient que cette provocation-là n'est "qu'un moyen pour imposer un style plus proche du corps et réactif". Alors que l'époque fantasme sur les implants, les puces sous-cutanées et toutes ces extensions numériques qui feraient de nous des cvborgs, héros de la cyberculture mis en scène dès la fin des années 70 par Stellarc, Orlan and Co, lui milite pour un "numérique organigue", où l'hvperréalisme propret des images de synthèse céderait la place à un homme de demain, plus "gore" donc plus "chic". Customisation. La peau extension de l'homme ? La proposition, aberrante, percutante, raisonne avec une étonnante sincérité, jusqu'à cette proposition d'individualiser à outrance le Skinbag : l'acheteur peut faire tatouer son nom ou toute autre inscription - écho d'une tendance à la customisation. Le travail d'Olivier Goulet, s'il est aujourd'hui exposé et vendu dans un magasin-galerie, est avant tout plastique. Depuis 1995, il travaille autour de son obsession (I'humain) avec une matière de prédilection, le latex. Et des incursions numériques: à l'automne, il exposait la Relique de l'homme bionique, squelette reconstitué à partir de centaines d'os et de prothèses, reliés par des fils d'ordinateur, puces et conduits électroniques reliant les membres parfois dupliqués d'un écorché techno. Pour "donner corps à la mémoire de cet homme bionique", qu'il a modélisé en 3D (une caricature. . . ), il a imaginé des panneaux de photos comme autant de bases de données. Telle la planche intitulée "bijoux domestiques", qui figure des détails de caméras numériques, de puces insérées dans la relique. En 1997, avec Vente de Territoires par Correspondance, il proposait aux internautes d'acquérir une parcelle de peau vue comme un territoire (15 euros pour 10 cm2 d'image numérisée). Dans son atelier très "cabinet de Barbe-Bleue" sont accrochés les Trophées de Chasse Humains, bustes en plâtre d'amis, de connaissances ou d'acheteurs potentiels (1830 euros). Manière "hard", dit-il, de critiquer la consommation de masse et l'exploitation de l'homme par l'homme. Annick Rivoire |
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